dimanche 17 mai 2015

Libertalia, une utopie pirate

Racontée, pour la première fois, dans l’Histoire générale des plus fameux pirates, publiée entre 1724 et 1728 par le Capitaine Johnson (un pseudonyme de Daniel Defoe), l'histoire de Libertalia relate les aventures du pirate Misson, petit noble provençal, et de son ami Caraccioli, prêtre italien défroqué.
Poussés par leur goût de l’aventure, les deux hommes s’engagent sur le vaisseau ´La Victoire’ qui se rend aux Antilles. Au cours d’un combat contre les Anglais, les officiers sont tués et Misson prend le commandement du bateau, secondé par son ami Caraccioli. Se consacrant désormais à la piraterie, ils arrivent un jour à Anjouan (île des Comores) où ils vont s’allier à la reine, en butte aux attaques du sultan de Mohely. Misson épouse la sœur de la reine, Caraccioli, sa nièce.
Continuant leurs aventures, ils s’emparent d’un navire portugais chargé d’or. Durant l’assaut, Caraccioli perd une jambe.
Ils arrivent enfin à Diégo-Suarez, au nord de Madagascar,  où, séduits par les possibilités que leur offre la baie, ils décident de s’installer et de créer une république démocratique et égalitaire.

Fondation de Libertalia  


Avec l’aide de 300 hommes fournis par la reine d’Anjouan, Misson et Caraccioli construisent, au fond de la baie des Français, une ville qui va accueillir non seulement les pirates mais tous ceux qui voudront se joindre à eux: équipages des bateaux arraisonnés, esclaves libérés, voyageurs capturés qui adhéreront aux principes de la nouvelle république.
La ville est baptisée Libertalia, ses habitants se donnant le nom de ´liberi’.
Lors d’une nouvelle course en mer, Misson se heurte à un autre vaisseau pirate, celui du Capitaine anglais Tew: le combat est sur le point de s’engager mais finalement les deux hommes vont conclure un accord et Tew va se joindre à l’aventure de Libertalia.

Les principes de la République de Libertalia


Caraccioli enseigne aux habitants de Libertalia, hommes de tous les milieux et de toutes les nationalités, les lois de l’égalité entre les hommes, de l’exigence de la liberté, de l’illégitimité de l’esclavage et de la peine de mort.
On ne tombe pas pour autant dans l’anarchie: Caraccioli fit éloquemment l’éloge de l’ordre.
Le pouvoir reste dans les mains des fondateurs: Misson est nommé ´Lord Conservateur’, Caraccioli est 'Secrétaire d’Etat', Tew 'Amiral'. Les hommes les plus instruits forment un Conseil qui édicte des lois. Si les prises sont équitablement réparties, la propriété privée n’est pas supprimée: les terres annexées dorénavant seraient tenues pour propriété inaliénable.
D’ailleurs les idées généreuses des ´philosophes’ de Libertalia sont parfois mises en défaut: c’est ainsi que Misson et Tew capturent un vaisseau allant à La Mecque avec 1600 personnes à bord; débarquant les passagers, ils gardent une centaine de jeunes filles, destinées aux habitants de Libertalia!


La fin de Libertalia


La colonie fut détruite dans des circonstances obscures: alors que les rapports avec les indigènes du voisinage semblaient sereins, Libertalia fut attaquée une nuit par deux bandes autochtones armées : Caraccioli fut massacré avec la plupart des habitants, Misson put s’échapper mais trouva la mort dans un naufrage. Quant à Tew, absent au moment de l’attaque, il mourut plus tard dans un combat naval en mer Rouge.




Dans le cadre de la postface présentée dans le livre « Libertalia » aux éditions Libertalia, Marcus Rediker, historien nord américain, expert du monde de la mer au XVIIIème siècle, propose une analyse de l'hydrarchie des pirates au début du XVIIIe siècle. Le terme hydrarchie a été utilisé initialement par Edward Braithwaite, spécialiste du monde maritime au XVIIème siècle. Il désigne le nouvel ordre social et l'auto-organisation mis en place par les pirates lors de leurs voyages en mer. L'hydrarchie ne relève pas seulement du domaine maritime, elle est aussi présente dans la tradition de la classe ouvrière.

« Libertalia » est une utopie radicale et démocratique qui prône la justice, la liberté et les droits du peuple et qui pourfend le capitalisme, l'esclavage et le nationalisme.


Selon certains auteurs, cette colonie aurait été bien plus qu'un simple asile pour pirates et flibustiers: c'était une véritable utopie politique, sociale et philosophique, l'équivalent moderne de l'Atlantide ou de l'Eldorado, et le précurseur des phalanstères du XIXème siècle.

 
 
 
 

Carson Mills, petite bourgade des Etats-Unis comme il y en a des centaines, entre les années 60 et 80. Et comme dans les contes les plus horribles, Carson Mills a son croque-mitaine : Jon Petersen.
Dès sa plus tendre enfance, Jon a été un enfant singulier. Renfermé, inadapté social, le garçon est élevé par son grand-père et ses tantes. Son père et sa mère sont morts le jour de sa naissance, dans un affrontement sanglant. Le petit garçon va grandir pour devenir un monstre perv...ers, qui réussira à échapper à la justice, jusqu’à ce que la mort le fauche. Viols, meurtres, rien n’arrêtera cet homme intelligent qui détruira toutes les personnes qui ont le malheur de croiser son chemin.
« Qui a tué Jon Petersen » pourrait également être le titre de ce roman. Nous ignorons qui est le narrateur qui s’adresse à nous pour nous raconter tout cela. Il semble impossible que quelqu’un en sache autant. Est-ce l’auteur ? Ou l’un des personnages de l’intrigue ? Le livre à un goût de confession, que l’on comprend à la fin, une fin qui ne peut s’installer qu’avec la mort de Jon Petersen, seul moyen d’en terminer avec ses obscures pulsions. Mais la mort de Jon n’est pas la seule intrigue à trouver solution au final.
Maxime Chattam signe là un nouveau roman passionnant, avec des personnages étudiés, une atmosphère lourde et dérangeante, un questionnement sur l’être humain comme il a l’art de le faire. Si le début de l’histoire met un peu de temps à se poser, le sursaut finit par survenir et la deuxième moitié du roman se lit d’une traite. Une histoire à part, dans laquelle le Mal tient le rôle principal aux côtés du lecteur lui-même …

Long John Silver

Les auteurs nous préviennent: "On peut tuer l'homme...on n'arrête pas la légende". "Cet ouvrage ne prétend pas être une suite de "l'île au trésor", mais un humble hommage à cet immense chef d'œuvre qui ne cesse de nous émerveiller depuis notre enfance. Son seul et unique objet est de nous faire retrouver un peu de la poussière du grand rêve que fit naître Robert Louis Stevenson". 

 Et dans cette grande histoire de pirates de Xavier Dorison et Mathieu Lauffray, il y en a de la ...
poussière d'aventure!

Des Frères de la côte, des tempêtes, des intrigues et un mystérieux trésor, celui de Guyanacapac, au fin fond des Amériques, la cité d'or tant recherchée par les Espagnols. Long John SIlver, le terrible pirate à la jambe de bois de Stevenson, lady Hastings, l'aventurière, l'indien Moxtechica et le docteur Livesey se mettent au service d'une intrigue digne d'un scénario de film, sous le dessin puissant et sombre de Mathieu Lauffray.

 En route vers l'aventure!

samedi 7 juin 2014

22/11/63

Est-il trop tard pour sauver le président Kennedy ? Pour dévier la balle de son assassin, ce fameux 22/11/63, à Dallas? Questions absurdes, insensées. A moins de savoir comment voyager dans le temps. Chez H.G. Wells (La Machine à explorer le temps), pour tromper les lois de la physique, on grimpe dans une machine pleine de boutons et de pistons. Dans Retour vers le futur, film de Robert Zemeckis, c'est une voiture boostée au plutonium. Rien de tout cela chez Stephen King. Le romancier s'approprie le plus classique des thèmes de la science-fiction comme il traite tout le reste, spectres, loups-garous et autres cauchemars de l'imaginaire collectif : en le dissimulant au creux de la réalité la plus triviale. Ici, une simple gargote à hamburgers. Au fond de la réserve, derrière les cartons et les bouteilles de ketchup à la mode du XXIe siècle, se trouve un étrange accroc dans le tissu du temps. Il suffit de quelques pas de plus pour faire un grand bond en arrière... vers 1958.

Avant d'aller affronter, en bon citoyen, un des plus grands traumas de l'histoire américaine, Stephen King se donne en effet... le temps. Son héros, Jake Epping, débarque cinq ans trop tôt, bien au nord de la funeste Dallas. Tout commence en fait dans l'Etat du Maine, évidemment, la terre natale de l'écrivain et le théâtre de presque tous ses romans. A l'épicentre de son propre imaginaire. Parce que les malheurs du monde peuvent attendre encore un peu, l'écrivain nous offre une excitante rétrospective maison : la première mission de Jake Epping — empêcher d'autres meurtres moins illustres — le mène à Derry, une petite ville fictive que les lecteurs de King connaissent bien. C'est là, entre autres, que se tapissait l'horrible clown de Ça (1986), tueur d'enfants dans les ténèbres des égouts. Et si cette histoire-là n'a rien à voir avec celle qui nous occupe, le visiteur venu du futur y sent tout de même confusément le danger : « Quelque chose allait mal dans cette ville... » Mieux, il y croise des personnages familiers : Beverly et Ritchie, les gracieux adolescents de Ça, paraissent au détour d'une page, comme un cadeau inattendu, de brèves retrouvailles pleines de charme et de tendresse.

22/11/63, et ses quelque bouillonnantes neuf cents pages, c'est avant tout le voyage intime d'un écrivain dans son propre univers, la somme de ses passions et de ses hantises. Tous ses thèmes sont là, si présents, si soigneusement développés qu'on craindrait presque un livre-testament. Outre un héros qui veut infléchir le cours de l'Histoire, comme dans Dead Zone (1979), on y voit des mâles abusifs, fêlés, violents, tel le propre père de l'écrivain, premier ogre, longtemps avant le Jack Torrance de Shining (1977). On y parle d'alcoolisme, un fléau subi et combattu autrefois par l'écrivain, et d'écriture. Et d'adolescents, qui auraient pu croiser l'infortunée Carrie (1974), ou la bande de copains de Stand by me... Sur l'air du même rock à l'ancienne qui baigne toute son oeuvre.

En 1958, quand chantaient les Everly Brothers, les McGuire Sisters ou les obscurs Danny and the Juniors, Stephen King avait 11 ans. Trop jeune pour voir l'époque avec les yeux de son personnage, mais assez pour se souvenir. Au gré du voyage, il sonde ses propres fantasmes, et ceux de ses compatriotes. Voici donc les glorieuses fifties, période d'insouciance et de plein emploi, où personne ne ferme sa porte à clé, où le prix du plein d'essence est dérisoire, où la bière et le lait ont encore le goût suave de l'authentique. Bref, nous voilà plongés dans les moindres détails dans cet âge d'or flingué en même temps que Kennedy, le 22 novembre 1963. King, comme toujours, prend le temps de bâtir tout un monde, de créer une immersion totale. Mais il n'est pas dupe de ce temps jadis pour lequel « les Américains éprouvent beaucoup de nostalgie. Peut-être parce qu'ils ont oublié à quel point le passé puait, commente son héros. Ou parce qu'ils n'ont jamais envisagé cet aspect-là des Pimpantes Années 50 ». L'odeur de la fumée toxique des usines tournant à plein régime. Du tabagisme universel et forcené. Mais pas seulement : les années 50 puent le sexisme, la pudibonderie, la ségrégation raciale (un détour par des toilettes de station-service suffit : une porte pour les messieurs, une pour les dames, et une planche pourrie pour les gens « de couleur »).

Au volant de sa Ford Sunliner, de plus en plus près de la date et du Texas fatidiques, Jake Epping dessine une grande fresque américaine aux couleurs contrastées, où le seul rêve, le seul temps qui vaille est celui des liens humains. S'il commence à se sentir chez lui, c'est parce qu'il rencontre ce que le passé a à offrir de moins spectaculaire, de plus attachant : les gens ordinaires. Jake s'éprend d'une femme d'autrefois : Sadie, grande bringue ravissante et maladroite, devient le coeur de la nostalgie, et le sentiment amoureux le seul âge d'or possible — « comme on a dansé », lui murmure-t-elle.

Quant à Kennedy et à son assassin potentiel, Lee Harvey Oswald, ils font l'objet de longues pages très documentées, mais jamais fastidieuses, sur fond d'enquête acharnée. Complot ou non ? Le tireur sera-t-il seul ? Faut-il s'en assurer pour l'éliminer ? Lorsque le roman devient texan, que tout s'emballe, l'exercice de style, brillant, haletant, ludique, reprend le dessus. Que se passerait-il si le trente-cinquième président des Etats-Unis survivait ? Quid de la guerre du Vietnam, des droits civiques, du rideau de fer ?... Battement d'ailes d'un papillon ici, tsunami là-bas. King joue allègrement avec les poncifs du genre, le ballet des paradoxes, les mille et une manières de résoudre le casse-tête des futurs multiples. Le passé résiste, tel un croque-mitaine dérangé dans son sommeil. Jake Epping parviendra-t-il à le vaincre ? Guérir des blessures du temps, mais aussi de son charme toxique, c'est beaucoup plus compliqué que ça. Pour connaître la réponse, il faut faire le voyage avec Stephen King. Parce que, comme disait Albert Einstein, « ce n'est pas le temps qui passe, mais nous qui passons dans le temps».




Zulu

Enfant, Ali Neuman a fui le bantoustan du Kwazulu pour échapper aux milices de l’Inkatha en guerre contre l’ANC. Même sa mère, seule rescapée de la famille, ne sait pas ce qu’elles lui ont fait… Aujourd’hui, chef de la police criminelle de Cape Town, Neuman doit composer avec deux fléaux majeurs en Afrique du Sud : la violence et le sida. Une jeune fille est retrouvée cruellement assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. La cause du massacre semble être une drogue de composition inconnue. Neuman, qui enquête dans les townships sur l’agression de sa mère, envoie son bras droit, Brian Epkeen, et le jeune Fletcher sur la piste du tueur. Ils ne savent pas où ils mettent les pieds. Si l’apartheid a disparu de la scène politique, de vieux ennemis agissent toujours dans l’ombre de la réconciliation nationale.

« L'Afrique du sud d'aujourd'hui n'est pas ce paradis légal dont l'on aurait pu rêver avec l'élection de Mandela. Le passé a laissé des traces indélébiles. Les luttes internes entre opposants ont été aussi meurtrières que la répression du pouvoir blanc. Et la violence des blancs a trouvé une réponse dans l'opiniâtreté des noirs. Chaos et conflits ne se sont que déplacés, et ils existent toujours. L'apartheid n'est plus légal, mais il reste social.Dix-huit mille meurtres par an, vingt-six mille agressions graves, soixante mille viols officiels (probablement dix fois plus), cinq millions d’armes pour quarante-cinq millions d’habitants : comment la première démocratie d’Afrique pouvait être le pays le plus dangereux du monde ? »


Ecrit en 2008, à la veille de la coupe du monde de football en Afrique du Sud, Zulu ne pouvait prévoir que le tristement célèbre Eugène Terre’Blanche, inspirateur non dissimulé du personnage de Joosp Terreblanche, serait assassiné le 3 avril 2010 dans des circonstances aussi sauvages que ce que le roman peut décrire. Car ce qui ressort en premier lieu de la lecture de Zulu, c’est la violence, cette violence sans limite dans laquelle on ne peut même pas définir les camps des belligérants tellement ils sont nombreux. Et lorsque cette violence s’allie à la recherche scientifique et à la guerre bactériologique menée pendant toutes ces années par l’Afrique du Sud, lorsque les laboratoires pharmaceutiques poursuivent leurs expérimentations sur l’homme dans ces pays d’un autre monde, quel espoir reste-t-il d’une vie meilleure ?

J'ai hâte de voir le film qui vient d'être adapté du roman, avec Forest Whitaker et Orlando Bloom.

samedi 31 mai 2014

La châtelaine du Liban

1922. Le capitaine Lucien Domèvre, un jeune officier méhariste en poste au Levant, alors sous mandat français, a été blessé dans des combats contre des tribus bédouines. Soigné à l’hôpital Saint-Charles à Beyrouth, il s’éprend d’une jeune infirmière, Michelle, fille du colonel Hennequin. Ce dernier croit bien faire en obtenant que son futur gendre soit nommé à Beyrouth au deuxième bureau.

Homme droit et patriote, habitué à la dure vie du désert, Domèvre va découvrir la douce vie coloniale du Levant, cette brillante et riche société cosmopolite adonnée au plaisir, et s’y perdre. Le capitaine Walter, héros méhariste, ami de Domèvre, la décrit ainsi : « le matin, une heure de bureau, pour la forme ; l’après-midi, citronnade et tennis avec les petites jeunes filles aigres; à sept heures, cocktail avec les femmes mariées plus ou moins jeunes ; la nuit, whisky, et les filles de music-hall à qui tu iras demander la dispersion du vague à l’âme que t’auront laissé tes flirts du jour. » Sans compter les intrigues, dont celle de l’alter ego britannique de Domèvre, le pittoresque major Hobson.

Domèvre va surtout rencontrer la comtesse Athelstane Orlof, mystérieuse Anglaise, veuve d’un diplomate russe, admiratrice de l’aventurière lady Esther Stanhope. Elle possède l’étonnant château du Kalaat-el-Tahara, ancienne forteresse franque des Templiers. Toujours prise entre pouvoir et opulence, la châtelaine du Liban collectionne les amants; Domèvre ira jusqu’à tout sacrifier pour Athelstane: Michelle, sa fortune et son honneur.

Avant de sombrer dans la folie, il sera secouru in extremis par l'altier Walter, qui saura ramener Domèvre vers le désert et la virile amitié des méharistes.

Les couleurs, la lumière, les odeurs du Liban se retrouvent toutes entières dans ce romans qui pourrait presque se dérouler de nos jours.


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vendredi 30 mai 2014

Lascaris, espion de Napoléon

Dans un chapitre de La châtelaine du Liban de Pierre Benoit, que je suis en train de (re)lire, est cité Lascaris, espion de Napoléon en Arabie. Mais qui est-il?
http://www.france-arabie.com/upload/chevalier_lascaris.pdf

http://ema.revues.org/766#tocto1n3