Tout commence dans les Highlands cerclées de brume. Un clan exploite un homme (Mads Mikkelsen, d'une froide et esthétique beauté). Il est borgne et ne parle pas. Il vit dans une cage et le chef le sort, de temps à autre, pour le regarder se battre et tuer. Un jour pourtant, One Eye réussit à s’enfuir. Un enfant le suit. Sur leur route, ils rencontrent des missionnaires chrétiens qu’ils décident de suivre. Ayant pour objectif de rejoindre Jérusalem, ils se retrouvent sur une terre inconnue dont on ne comprendra qu'à la fin qu'il s'agit du Viland, une région du Canada découverte par les Vikings vers l'an mil.

Le Guerrier silencieux (Valhalla Rising) est le film du mystère : mystère d’une zone géographique inconnue, mystère d’un personnage omniprésent à l’écran dont on ne connaîtra jamais la voix, mystère d’un lien invisible et fort entre l’enfant et le guerrier. Tout y est simple et complexe en même temps. Nicolas Winding Refn nous plonge au plus profond d’une transe divine : répétition de plans fixes dévoilant des paysages de montagnes ou des eaux transparentes, brumes terrifiantes où l’avenir n’a plus ni texture ni forme, visions où One Eye, ensanglanté, regarde un hors-champ et quelquefois lui-même. Les images, magnifiques, rythment un voyage vers l’enfer, où la nature, comme le cinéma, évolue à travers la figure du cercle.

Si One Eye est muet, la musique et les bruitages ont tôt fait de le remplacer, Nicolas Winding Refn met en place une permutation continue entre son héros et les éléments filmiques : puisqu’il ne parle pas, la musique le fera, s’il est borgne, c’est pour mieux souligner le caractère visuellement travaillé de chacun des plans. Le son, horrifique, associé à la beauté d’images teintées de noir et de rouge, construit un monde dans lequel on donnerait tout pour ne jamais aller, et tout pour simplement le voir, encore un peu, protégé par l’écran paternel.

Le Guerrier silencieux (Valhalla Rising) est un poème du plan fixe, un poème visuel venu du fond des âges, qui se traine dans la boue et rêve d'une source d’eau pure, qui passe de l’eau douce à l’eau salée, invention pudique pour évoquer les larmes, peut-être. A réserver aux initiés.